✏︎ La B12 : memento
La B12 : memento
Structure de la vitamine B12 (source de l'illustration: https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/99/Cobalamin.svg / NEUROtiker — Travail personnel)
● Les origines
• En 1926, les américains George Whipple, George Minot et William Murphy ont montré qu'une cure de foie cru permettait de guérir de l'anémie pernicieuse. On donnera à ce « facteur actif » à l'origine de la guérison le nom de vitamine B12 (1 p.25), ou cobalamine.
(Numéro 12 car elle était à l'époque la 12ème des vitamines du groupe B, aujourd'hui au nombre de 8, certaines ayant été considérées à tort comme étant des vitamines - comme la « vitamine » B4, ou adénine) (1 p. 25)
• « La vitamine B12 est un nom générique pour désigner l'ensemble des cobalamines (…). Selon la molécule qui se lie à l'atome de cobalt dans la partie supérieure de la molécule, on la qualifie de :
- cyanocobalamine avec un groupement cyanide (–CN) ;
- méthylcobalamine s'il s'agit d'un groupement méthyl (–CH3) ;
- hydroxycobalamine avec un groupement hydroxyl (–OH) ;
- adénosylcobalamine dans le cas d'un résidu 5'-deoxyadénosyl.
Les formes cyano- et hydroxycobalamine sont les plus stables (Watanabe, 2007). »
(Source: 26).
• « Elle appartient à la famille des corrinoïdes dont les autres membres dépourvus d'activité vitaminique sont appelés analogues. » (26). Cela aura son importance pour nos sources d'approvisionnement…
• Sa structure chimique, élucidée en 1958 par la britannique Dorothy Hodgkin, (1 p. 26)
est extrêmement complexe (13).
• Elle est relativement stable à la chaleur mais très soluble dans l'eau (8 p.77). Ce qui fait que « Le lavage et la cuisson des aliments dans l'eau peuvent diminuer de 5 à 20% leur teneur en vitamine B12. » (2 p.24).
● Son importance
• Elle intervient dans de nombreuses réactions importantes pour notre organisme en tant que « cofacteur enzymatique » (1, résumé) : synthèse de: la méthionine (un acide aminé essentiel), des bases nucléiques (composants fondamentaux de l'ADN et de l'ARN), de la gaine des nerfs, ou des globules rouges. (1, table 1.1 p.26, 2 p.17)
Du fait de son rôle de cofacteur dans 2 réactions enzymatiques, elle participe au développement hématologique (le sang et sa formation), à des fonctions neurologiques, au développement du fœtus, à la santé osseuse et la prévention des acouphènes (8 p.78-79).
• Les apports journaliers conseillés sont de 2 à 5 μg selon l'AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments).
« Apports nutritionnels journaliers conseillés de la population française pour la vitamine B12 (μg/jour). » :
△ Sources: thèse KHALID MIMOUN ELHMMALI, 2017 : 15 p.13
- Aux États-Unis, l'apport conseillé par la FDA (Food and Drug Administration) est de 2.4 μg/j chez l'adulte, de 2.6 μg/j lors de la grossesse et de 2.8 μg/j lors de l'allaitement. (Andrès et al. 2005b). » (3 p.17)
- L'Observatoire de la Prévention / Institut de Cardiologie de Montréal recommande un apport quotidien de 2.6 μg/j. (13)
- Voir aussi à ce sujet le très intéressant et complet article de l'European Journal of nutrition, publié en 2022 et co-signé par une vingtaine d'auteurs de divers pays européens: The importance of vitamin B12 for individuals choosing plant-based diets (22).
• Une étude récente (2022: 22) montre des carences très élevées chez les personnes qui choisissent une alimentation végétale, particulièrement chez les femmes enceintes ou en âge de procréer…
• Le foie humain possédant une réserve de vitamine B12 « de l'ordre de 3 à 6 ans » (1 p. 38), voire 7ans (8 p.79), les carences éventuelles ne se déclareront donc que sur le long terme.
Il faut aussi savoir que « La carence en vitamine B 12 est une carence nutritionnelle courante chez les personnes âgées, en particulier chez les personnes les plus âgées. » (7)
Enfin, son absorption par notre organisme est complexe (8 p.77, 12 p.35). Elle y est stockée majoritairement dans le foie (60% du stockage) et dans les muscles (30%) : « Environ 1,5 mg de vitamine B12 se retrouve ainsi stockée dans le foie chez les adultes, pour une capacité de stockage totale de 2 à 5 mg. Ce stockage permet de protéger le corps lors de périodes de carences d'apports (jusqu'à 1 an chez l'enfant, 7 ans chez l'adulte) » (8 p.78)
• « Il a été montré que les patients atteints de la maladie d'Alzheimer présentent une carence en vitamine B12 (Román et al., 2019). Certains patients sont génétiquement prédisposés à développer cette maladie neurodégénérative (mutation du gène MTHFR (méthyle tétrahydrofolate réductase)), l'équipe de Roman et al. a pu montrer qu'une supplémentation en vitamine B12 chez ces patients est critique pour prévenir l'avancée de la maladie. Il en serait de même pour la maladie de Parkinson (McCarter et al., 2020). En effet, un faible niveau de vitamine B12 a été associé à une perte des capacités ambulatoires et une perte de la mémoire plus rapide (McCarter et al., 2019). » Sources: Thèse Mosca: 11 p.9
● Où la trouver ?
• « Aucun organisme eucaryote [= organismes multicellulaires : plantes, champignons, animaux : 24] ne possède les voies métaboliques nécessaires à la production de la vitamine B12. Seules quelques bactéries, micro-algues et champignons [pourtant eucaryotes ?] disposent des enzymes nécessaires à sa biosynthèse. Les animaux dépendent donc de leur consommation alimentaire pour se procurer cette vitamine. On retrouve principalement cette vitamine dans les produits d'origine animale et dans quelques aliments fermentés. » (Thèse Manon Hiolle, 2019:8 p.76)
• Dans la nature, les végétaux supérieurs et les champignons sont dépourvus de B12 (1 p.37) (ou en quantité faible dans le cas des champignons, grâce aux bactéries qui se développent à leur surface : 4) et cette vitamine n'est synthétisée que par certaines Archées* et bactéries qui, seules, « disposent de l'équipement enzymatique nécessaire à [sa] synthèse. » (1 p.30).
Egalement présente dans certaines micro-algues et champignons (8 p.76).
(*) Les Archées sont des micro-organismes unicellulaires proches des bactéries
• Attention aux faux amis ! : certaine algues peuvent être présentées comme des sources naturelles et intéressantes de B12. Mais elles ne permettent cependant pas de couvrir nos besoins: « Jusqu'aux années 1990, les scientifiques ont cru que la spiruline, le nori, ou le wakame [ainsi que la chlorelle] séchés contenaient de la B12. Raté ! Il s'agit en fait d'une vitamine B12 « analogue », à la forme très proche, mais inactive comme co-enzyme. Bref, inutile. Pire : en mimant la « vraie » B12, à haute dose, les analogues pourraient prendre sa place et aggraver les carences ! » (27 & La science de l'alimentation végétale, L.Lebrun & F.Badariotti, éd. Thierry Souccar, 2023, p.102)
Un article paru dans la prestigieuse revue scientifique Nature en 2005 (14) suggère pourtant que l'algue nori, serait particulièrement riches en B12 ( jusqu'à 60 µg/100g)…
• Notons que les aliments traditionnels coréens sont particulièrement intéressants pour leur apport en vitamine B12 : aliments fermentés à base de soja tels que le Doenjang, le Chungkookjang , le Kochujang et le Ganjang et aliments fermentés à base de légumes tels que le kimchi et certains aliments à base d'algues préférés (7). Mais dans le cas du kimchi, la teneur en B12 serait surtout due à la sauce de poisson fermentée entrant dans sa préparation… (7).
Les teneurs en B12 de ces aliments traditionnels coréens peuvent être très importantes: 4,41μg/100 g poids humide dans le cas du Doenjang traditionnel fait maison (9,82 μ g/100 g de poids sec), 9,41 μg/100 g poids humide dans le cas des algues laitue de mer (87,4 μ g/100 g de poids sec) et même 71,3 μg/100 g poids humide pour des algues séchées et grillées. [résistance chaleur ?].
• Il existe enfin des aliments enrichis en vitamine B12 « (apportant au moins 2 µg de vitamine B12 / portion) », mais ils restent rares en France (5).
● Les animaux ont pourtant besoin de cette vitamine mais aucun d'entre eux n'est capable de la synthétiser. Alors comment l'obtenir ?…
• Chez les herbivores ruminants* (vaches, moutons, chèvres, chamois, cerf, bouquetin, mouflon, girafe, gazelles, gnous…), la vitamine B12 est produite par les microbes qui se trouvent dans le rumen (ou panse) de l'animal, « un organe digestif riche en microbes situé en amont de l'intestin grêle » (2). Et ça tombe bien car l'absorption de la B12 s'effectue dans les intestins qui se trouvent juste après ! (9) . Généralement, c'est la partie terminale de l'iléum (dernière portion terminale de l'intestin grêle) qui se charge de cette absorption (18 p. 694).
(*) Les ruminants sont des mammifères herbivores dont l'estomac est divisé en plusieurs poches. En font partie les vaches, moutons et chèvres, mais aussi le chamois, le cerf, le bouquetin, le mouflon, la girafe, les gazelles, les gnous… Les camélidés (chameau, lama, vigogne) ruminent mais diffèrent des Ruminants. (6)
• Les herbivores non ruminants (comme le lapin, le chinchilla ou le castor) pour lesquelles la formation de B12 s'effectue « après les zones d'absorption intestinale » (9), la pratique de la coprophagie leur permet de récupérer la B12 présente dans les excréments (1 p. 37).
• Les poissons non carnivores, ainsi que les mollusques (moules et huitres notamment) trouvent leur B12 dans le plancton marin qu'ils ingèrent, lui-même l'obtenant grâce aux bactéries vivant en milieu aquatique (13). Certains poissons d'eau douce possèdent d'ailleurs les microbes intestinaux qui produisent la B12 (2).
• Quant aux carnivores, ils l'obtiennent en se nourrissant d'herbivores… (1 p.37).
• Chez les humains, les bactéries présentes dans l'intestin produisent de la B12, mais en quantité insuffisante… (2, 3 p.15, 4) . Elle est en outre produite au niveau du gros intestin (colon), alors que son absorption se fait au niveau de l'intestin grêle (iléon), donc… avant sa zone de production… On retrouve donc dans les selles la « grande majorité » de la B12 produite dans notre organisme (12 p.35). Peut-être devrions-nous devenir coprophages ☺︎…
☞ Les végétauxne contenant pas de B12, les végétaliens devront « se suppléer avec des compléments alimentaires issus de bactéries » (1 p. 38)
Notons toutefois que beaucoup d'algues ont besoin de la vitamine B12 pour leur croissance et semblent l'acquérir par une symbiose avec des bactéries. (13, 14)
● Sa fabrication
On en revient toujours aux seuls organismes capables de synthétiser la B12: les bactéries…
C'est à elles que l'être humain fait appel pour la fabriquer par fermentation bactérienne (3 p.17, 9,17,20), sa synthèse chimique, connue depuis 1972, étant trop complexe et donc commercialement inexploitable (9, 1 p.26).
● La complémentation…
• Il existe différentes formes de vitamine B12, « (méthyl-, adénosyl-, hydroxy- ou cyano-cobalamine) » qui semblent équivalentes du point de vue de leur efficacité, mais l'Onav (Observatoire National des Alimentations Végétales) conseille « la forme cyanocobalamine en raison de sa grande stabilité et de son faible coût. » sous la forme d'une prise quotidienne ≥ 25 µg, voire ≥ 150-200 µg par jour pour les plus de 50 ans et les personnes souffrant de la maladie de Biermer. (5)
Pour certains, la présence d'un groupement cyanure dans la cyanocobalamine est un élément potentiellement pathogène qui joue en sa défaveur, notamment pour les fumeurs qui sont déjà exposés au cyanure et les femmes en période de péri-conception…(10)
• « Aucun effet toxique de la vitamine B12 n'a été identifié, même après administration intramusculaire d'une dose correspondant à 3000 fois la dose journalière recommandée (Allen, 2012). La vitamine B12 ingérée excédant la capacité limite de stockage du plasma et des tissus est excrétée dans les urines. » (Hiolle 2019 : 8 p.80)
⚠️ Et cependant…
Un article du Journal [American] of Clinical Oncology d'octobre 2017 (21) fait état d'une augmentation du cancer du poumon liée à la prise de B12…
Je vous en livre les « Résultats et la Conclusion »:
« L'utilisation de suppléments de vitamines B 6 , folate et B 12 n'était pas associée au risque de cancer du poumon chez les femmes. En revanche, l'utilisation de vitamines B 6 et B 12 provenant de sources de suppléments individuelles, mais pas de multivitamines, était associée à une augmentation de 30 à 40 % du risque de cancer du poumon chez les hommes. Lorsque la dose moyenne de supplément sur 10 ans a été évaluée, le risque de cancer du poumon a été presque multiplié par deux chez les hommes appartenant aux catégories de vitamine B 6 les plus élevées (> 20 mg/j ; risque relatif, 1,82 ; IC à 95 %, 1,25). à 2,65) et B 12 (> 55 µg/j ; risque relatif, 1,98 ; IC à 95 %, 1,32 à 2,97) par rapport aux non-utilisateurs. Pour les vitamines B 6 et B 12 , le risque était encore plus élevé chez les hommes qui fumaient au départ [risque presque quatre fois plus élevé]. De plus, les associations B 6 et B 12 étaient apparentes dans tous les types histologiques, à l'exception de l'adénocarcinome, qui est le type le moins lié au tabagisme.
Conclusion
Cette association spécifique au sexe et à la source fournit une preuve supplémentaire que les suppléments de vitamine B ne sont pas chimiopréventifs contre le cancer du poumon et peuvent être nocifs. »
Précision: l'étude portait chez des hommes et les femmes, âgés de 50 à 76 ans au départ, qui vivaient dans la région des 13 comtés de l'ouest de l'État de Washington couverts par le registre du cancer SEER étaient éligibles pour participer.
Sources :
RÉFÉRENCES CITÉES :
1- ?
2- Vitamin B12 as a Modulator of Gut Microbial Ecology - ScienceDirect
3- Carence en vitamine B12 et santé orale
4- Comment produire de la vitamine B12 avec des bactéries ? - Sous le microscope
6- Les Camélidés : des pseudo-Ruminants | Zoom Nature
8- Impact de la structure des aliments sur la biodisponibilité des micronutriments
9- D’où vient la B12 ? - Vive la B12 !
11- https://docnum.univ-lorraine.fr/public/DDOC_T_2021_0048_MOSCA.pdf
12- dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03468498/document
14- Algae acquire vitamin B12 through a symbiotic relationship with bacteria | Nature
16- 9241546123.pdf;jsessionid=DE69AE53C3A9DD5B70CDD3EB72F8079F
17- Vitamine B12 - Produits SCF - Société Chimique de France (SCF)
18- Physiologie animale - Lauralee Sherwood, Hillar Klandorf, Paul Yancey - Google Livres
20- Microbial production of vitamin B12: a review and future perspectives - PMC
23- Vegetarian, vegan and plant-based diet
24- Cellules procaryotes et cellules eucaryotes - Cours Pharmacie
25- Information sur la vitamine B12
26- https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2016/02/pages-de-1141-1156.pdf
27- Peut-on manger 100% végétal?